Le littoral vendéen et charentais pourrait être d’ici quelques années dans l’incapacité de produire de l’eau potable. Ces perspectives ont été mentionnées par plusieurs études dont Explore 2070, conduite par le ministère de l’Écologie entre 2010 et 2012. Aussi le syndicat Vendée Eau, en charge de l’organisation de la production et de la distribution de l’eau potable pour 264 communes sur les 267 que compte le département, va-t-il engager une première expérimentation de retraitement des eaux usées. Baptisé Jourdain, le projet va bénéficier de 17 millions d'euros et des expertises de Saur et de Eurodia. Sables d’Olonne Agglomération va mettre sa station d’épuration du Petit Plessis à la disposition de cette expérimentation. La communauté regroupe 7 communes, 3 communes côtières et 4 communes rétrolittorales, pour 53 000 habitants permanents (en constante progression avec +1 000 habitants par an) et 4 fois plus en période estivale.
Les eaux traitées de la station du Petit Plessis sont aujourd’hui déversées en mer via un émissaire. L’idée est donc de réutiliser une partie de ces eaux afin de pallier à la demande, notamment lors des périodes estivales. Les eaux récupérées subiront un traitement complémentaire avant d'être transférées vers la retenue du Jaunay, distante de 20 kilomètres, et qui alimente une des principales stations de production d’eau potable de Vendée. Le démonstrateur Jourdain sera mis en place en 2019-2020 pour un fonctionnement jusqu’en 2025, avant un éventuel déploiement à pleine échelle de la solution. C’est cette année toutefois que la première étape sur site du projet va être entreprise avec l’installation d’une unité pilote de 10 m3/heure pour évaluer les performances de traitement préalable et valider la technologie de traitement complémentaire des eaux usées. Le processus comporte quatre étapes majeures qui prennent en compte les aspects environnementaux, sanitaires et bactériologiques du projet avec : 1. La filtration des eaux dans du sable pour retenir les matières et éléments en suspension (carbone, azote, phosphore) ; 2. Le passage dans un courant électrique pour extraire les sels au travers de membranes spécifiques (électrodialyse confiée à Eurodia) et contrôler leur quantité ; 3. L’absorption des micropolluants dans un réacteur à charbon actif (CarboPlus de Saur) ; 4. Un rayonnement UV pour parer tout risque microbiologique. L’objectif de cette installation temporaire est de confirmer, en conditions réelles, la faisabilité des objectifs de performance de la filière envisagée pour le démonstrateur, afin notamment d’éliminer le sel et les micropolluants. Au-delà des performances, ce pilote permettra également d’estimer au plus juste les consommations à prévoir en termes d’énergie et de réactifs. L’abattement de la teneur en sel est nécessaire en raison de l’intrusion d’eaux de mer dans les réseaux d’assainissement lors de grandes marées, qui se retrouvent en sortie de la station d’épuration. C’est pourquoi la filière de traitement comprenant une élimination des sels par électrodialyse, technologie robuste et simple à exploiter, a donc été retenue. Le pilote sera associé à une campagne analytique poussée et un monitoring avancé afin de prévoir au mieux le fonctionnement du futur démonstrateur. Un technicien Saur sera spécialement dédié à la surveillance de la plateforme d’essai. Ainsi, un suivi des macropolluants dans leurs différentes formes permettra de vérifier les objectifs d’élimination d’un certain nombre de paramètres, tels que les phosphates, les matières organiques ou autres dans l’eau affinée. Les performances de l’électrodialyse seront également évaluées concernant l'abattement de certains éléments métalliques tel que le zinc. L'efficacité du réacteur CarboPlus micro-grains sera quant à elle caractérisée au regard de la présence potentielle de micropolluants pouvant être présents dans l'eau de sortie de la station d'épuration. Cette installation-pilote temporaire fonctionnera en circuit fermé sur la station d’épuration et n’aura donc aucun impact sur le milieu naturel. Les flux du pilote, mineurs à l’échelle de la station d’épuration, n’impacteront pas le fonctionnement de celle-ci.
Un second démonstrateur de 150 m3/heure sera déployé en 2020. "Si notre solution est retenue, et selon les souhaits du client, il sera tout à fait possible d’agrandir l’installation pour prendre en charge la totalité des effluents de la station d’épuration, soit 600 m3/heure" précise Vincent Jauzein, ingénieur de recherche chez Saur. Jusqu’à 1,5 million de mètres cubes d’eau pourraient dès lors être réinjectés chaque année dans la retenue du Jaunay, comblant ainsi une large part du déficit en eau potable du département, estimé à 8 millions de mètres cubes à l’horizon 2025. Outre le fait que la méthodologie est éprouvée et économiquement viable, elle offre l’avantage de pouvoir s’adapter aux arrêts/redémarrages des installations selon les besoins saisonniers.
La REUT (réutilisation des eaux usées) nécessite d’assurer la gestion des risques biologiques associées au stockage de l’eau, à son traitement et aux contraintes liées à son usage final. Aussi les eaux recyclées traitées sont-elles utilisées pour des activités agricoles (maraîchage) ou de loisirs (arrosage des espaces verts et des parcours de golf) ; elles servent également à des usages urbains (lavage de voiries, de véhicules), industriels et environnementaux (restauration de zones humides, recharge de nappes phréatiques, de barrages). Aujourd’hui, en France, à peine 0,1 % des eaux usées traitées sont réutilisées, alors que l’objectif fixé par la Commission européenne est de multiplier par 6 les volumes d’eaux usées recyclés.
Rendez-vous fin 2018 pour valider les performances de l’unité pilote, puis fin 2024 pour valider, cette fois, celles du démonstrateur. Les Sablais et Castelolonnais qui n’ont aucune usine de production d’eau potable sur leur territoire seront alors en train de réaliser une première européenne.
Vendée Eau – Saur – Eurodia